Yann-Eric Eichenberger

SES VERTICALES DEMEURES D’HUMANITÉ

PAR CHRISTIAN NOORBERGEN

Yann-Eric Eichenberger donne vie à l’arbre humain, comme il féminise au profond, dedans-dehors, ses allures verticales. L’élévation est sa respiration. Il attaque droit, dans l’essentiel et dans l’ascension, et chaque sculpture est une île d’art, unique et prodigieuse. L’œuvre entière, charnelle et contemplative, s’ouvre à tous les possibles des forces imaginantes, tandis que d’infimes tensions telluriques, chargées d’énergies souterraines, oxygènent précieusement l’âme du bois, la source intemporelle et première de sa création. Sculpture talismanique à vocation universelle.

De formidables tracés de tête, en plaques de chair tranchée, incantent le ciel, dans le dénuement d’un trop-plein toujours judicieusement évacué, et dans une somptueuse décantation formelle. Haute sculpture dépouillée de tout, sinon de l’essentiel.
De fins blocs d’immensité, imposants, dressés, et d’une formidable tension, se dégagent de toute pesanteur terrestre, s’élancent vers les hauteurs, et font partage avec le ciel. Les œuvres de Yann-Eric Eichenberger sont monumentales, érectiles et magiciennes. Elles prennent racines dans l’humus des grandes cultures du passé, des Cyclades à l’Etrurie, de l’Île de Pâques à l’Afrique… Stèles d’hier et d’aujourd’hui.

La grande sculpture est la plus ancienne des langues de l’humanité. Sa rareté la protège des faiblesses du temps et des ordinaires contingences. Sculpteur intemporel, Yann-Eric Eichenberger n’en dit jamais trop, laissant intact l’instant le plus aigu de la création, celui des prémisses et des promesses retenues. Chez lui, l’inaccompli de l’art maintient intacte la charge hétérogène des sources du mental.

Sa lente chorégraphie arrêtée, née d’une terre originelle, puise dans les racines du grand rêve, quand le corps et l’arbre s’étreignent à vif dans les archétypes du féminin, son territoire d’âme, et dans l’imaginaire des confins.
Mémoire de l’arbre au sein du corps, mémoire du corps au sein de l’arbre. Art d’envoûtement, un rien chamanique, solaire et agissant.
Des tracés de tête, de torse et de hanche sont intégrées à cœur, et de perceptibles torsions de chair, aux douceurs curvilignes, sensualisent l’étendue. On ne sait si tel arbre-corps, charnellement déhanché, devient corps pluriel, ou si des corps libres, nés de leur élan vital, s’emboitent pour ne faire plus qu’un.

Incroyablement densifiées, ses créations totémiques, chargées jusqu’à l’os, ne seront jamais atteintes par le déjà des repères et des codes. Elles inaugurent une saisissante relation d’amour à la nature, puissante et sacrale.
Les œuvres contemporaines de Yann-Eric Eichenberger, sculpteur de plénitude, vont plus loin que lui. Elles bouleversent l’inertie du réel, et font demeures d’humanité. On respire à hauteur d’univers, et la terre enciellée parle une langue oubliée des hommes.